La Samouraï de Dieu

“Lorsque j’aperçus Hélène au détour d’une courbe du chemin, elle avançait à grands pas déterminés, tête baissée, marchant sans hésitation vers son objectif qui se dessinait déjà au loin dans mon champ de vision. On entendait les premiers grondements de tonnerre et le ciel s’était subitement obscurci. En évaluant la distance qui me séparait d’Hélène, je réalisai que je ne parviendrais pas à la rejoindre avant qu’elle n’atteigne la ferme. Le corps de bâtiment et les dépendances formaient une grande cour intérieure où une ancienne charrue avait été placée en son centre comme objet de décoration.

Au moment où Hélène pénétra dans la cour, la maman de Marion arrivait par la porte d’un bâtiment, opposé à l’entrée, portant un panier chargé de légumes. Lorsqu’elle aperçut Hélène, elle esquissa un sourire d’accueil. Elles se rencontrèrent au centre du patio. Alors que je parvenais au niveau du portail, je vis le sourire de la fermière se figer en une expression de stupéfaction. Le jō s’abattit avec une rapidité et une violence fulgurantes. Le corps s’effondra comme au ralenti. La tête percuta le socle de la charrue et donna l’impression que le corps rebondissait avant de s’étaler lourdement dans la poussière.

C’est la pluie torrentielle de l’orage qui me replongea violemment dans la réalité de la scène maléfique et terrifiante qui paralysait ma conscience. Des rigoles de boue profanaient le cadavre, souillaient ses vêtements et effilochaient sa chevelure en charpie. Des légumes, du panier renversé, déchiquetés, ballottés par les eaux, partaient en lambeaux au fond de la cour. Des tomates écrasées simulaient le sang versé. Je parvins enfin à me dégager de la fascination de l’horreur et à fuir ce tableau d’épouvante qui allait hanter mes nuits durant de longues années.”